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Eliopolis
30 juillet 2006

Requins en eau trouble (II)

J'ai donc appris, travaillé tête baissée  en caressant l'espoir un peu fou que j'obtiendrais un gratifiant : "Je suis fier de vous, bon travail, petite". Au lieu de ça, le boss me posait sans délicatesse les 3 téléphones sonnants sous le nez, histoire de bien me rappeler quelle était ma fonction première - i.e. celui de répondeur.

Les humiliations s'enchaînèrent soudainement. Du simple refus que je prenne des jours de congés jusqu'à la menace d'embaucher une méduse écervelée que je devais former au métier de visibulateur afin qu'elle puisse me remplacer, en passant par la mise en place d'une pointeuse pour surveiller mes horaires d'entrée et sortie.

Devant ce déchaînement de postillons gluants et de mauvaise haleine, mon attitude a été de rester de marbre. En effet, j'ai toujours observé que face aux cons mieux valait adopter la stratégie de la Comedia Del Arte : enfiler un masque pour laisser invisible tout sentiment de rage, de peur ou de frustration qui pourrait faire jubiler son adversaire. En réponse au déferlement de rage qui éclaboussait mon uniforme, je regardais le petit requin droit dans les yeux (écoute), tête un peu penchée (no stress), et bouche entrouverte (respiration douce). Déstabilisation garantie chez les cons qui attendent désespéramment une réaction de notre part. Et là, je vous donne le secret absolu pour tourner la conversation à votre avantage. C'est la stratégie du Oui-Oui. Quand le con a fini de cracher son fiel,  vous redressez la tête, regardez juste au dessus de lui, un peu plus haut que son crâne, et vous lâcher un "oui-oui", l'air un peu ailleurs.

Récapitulatif : pendant que vous vous faisiez engueuler, vous n'avez absolument rien montré et pour finir vous acquiescez. A cet instant, s'il avait des doutes, il n'en a plus : le con sait que vous mijotez quelque chose, sans savoir quoi, mais ne peut absolument pas vous le reprocher car il ne s'agit que de simples présomptions, votre attitude étant somme toute positive.

N.D.L.R. : Marche aussi avec les collaborateurs pète-couilles, la dame de la boulangerie qui vous raconte sa vie, votre mère. A éviter avec votre contrôleur des impôts (sauf si vous êtes joueur).

Il faut donc clore cet entretien au plus vite afin de ne pas laisser l'autre vous poser des questions embarrassantes.  C'est le moment  que vous choisissez pour dire que vous devez rappeler impérativement un client là-maintenant-tout-de-suite, montrant que vous restez un bon collaborateur zélé (préparez et adaptez vos excuses bidons en fonction du contexte), lancez, un "bon, ok, à plus" si vous vous le sentez, et filez dardar ruminer de sombres desseins à l'abri des regards.

C'est à ce moment-là que j'ai enlevé mon masque de Jean-qui-rit et essuyé les trois gouttelettes qui perlaient le long de mon échine. C'est à ce moment là qu'en mon for intérieur j'ai lâché une bordée d'injures à faire fuir un banc de maquereaux.

Cette fois, s'en est trop, je vais renvoyer ce requin barboter dans sa baignoire avec les planctons qui gravitent à sa suite. Je deviens le redoutable canard en plastique et je possède le superpouvoir du couinement qui tue. Prends garde, le requin, tu vas bientôt avaler tes chicots, je vais faire de la soupe avec tes ailerons!

 

La suite au prochain épisode

 

 

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Commentaires
C
C'est alerte, tonique et drôle. Et en plus ça permet de remettre en perspective certaines épreuves.<br /> Bravo!
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